- Sahara suite-
Sahara,
espace mythique, est l’objet de tous les fantasmes depuis la terra
incognita, réputée mangeuse d’hommes, jusqu’à la mystique unitaire et
unificatrice du colonel Kadhafi rêvant de constituer, sous son égide,
des États sahariens. Le Sahara, terre d’ascèse, présentée comme lieu
d’épreuves, étendue illimitée réservée aux initiés, territoire
prédestiné à des pionniers exaltés, est aussi investi d’une fonction
essentiellement spirituelle qui en appelle (l’appel du désert…) à la
vertu mystique. Le Sahara, aux confins indéterminés, demeure un espace
de référence philosophique offrant une alternative aux sociétés
occidentales en mal d’exotisme purificateur.
Ce désert chaud, aux
marges indécises et imprécises, devient le lieu de prédilection pour le
libertaire, orphelin de liberté, voulant allier l’aventure à l’ascèse.
Les voyagistes, et autres tour-opérateurs, réactivent le mythe situé
dans un décor d’espaces minéraux figés et placé au service de la
consommation. Sahara : paysages à vendre ! La littérature saharienne,
source de théâtralisation du mythe, en exclut les oasis et ses
habitants, considérés comme des éléments dépréciatifs et triviaux.
L’oasis n’est pas investie des propriétés du mythe. L’imagerie du «
vrai Saharien » est celle du nomade (blanc bien sûr…), libre et altier,
« fils du désert » parcourant un espace initiatique qui valorise des
êtres d’exception. C’est également celle de l’officier méhariste ou,
d’une manière plus prosaïque, celle du chef de chantier : de toute
façon, tous des chefs !
D’une certaine manière, la quasi-totalité
des écrits coloniaux et postcoloniaux s’inscrivent dans la continuité
de cette imagerie tout en l’aggravant sensiblement. Ils appréhendent en
effet le Sahara comme un espace occupé par des nomades au phénotype
blanc et dont les terrains de parcours et les aires de transhumance
sont perçus comme des assises ethnico-territoriales (par exemple,
Maures, Touaregs, Arabes Chaamba, Toubous). Là aussi, les oasiens,
agriculteurs au phénotype noir qui entretenaient souvent des relations
de métayage avec les nomades, sont exclus de ce « Sahara blanc » comme
dunes au soleil. Or, sans disposer toutefois de statistiques fiables,
il semble que les populations oasiennes aient déjà été numériquement plus
importantes.
Sahara : espace géographique et repères historiques
Par-delà
tous ces clichés éculés, comment peut-on appréhender le Sahara ? La
géographie ne semble pas en mesure de le circonscrire précisément
d’autant que, comme tous les autres déserts, il se définit par rapport
à ses marges, à sa périphérie. Il est toutefois convenu de considérer
le Sahara géographique, dont la superficie estimée est de près de 8
millions de kilomètres carrés, comme l’espace qui s’étend depuis
l’océan Atlantique jusqu’à la mer Rouge entre les 32e et 16e
parallèles.
Charnière ou trait d’union entre l’Afrique subsaharienne et
la partie nord du continent, zone d’échange, de contact, de transition,
rempart politique, pour toutes ces raisons, l’histoire de ce « Sahara
mouvant » en a fait un espace de turbulences politiques dont les enjeux
sont la constitution de territoires sahariens.
Pour étayer ce point de
vue et souligner le rôle géostratégique de cette partie du désert, il
est nécessaire de s’appuyer sur quelques événements qui serviront de
repères historiques et sur deux plans de réorganisation de l’espace
saharien : l’un est celui du père de Foucauld, l’autre, d’ampleur
inégalée, concerne l’Organisation commune des régions sahariennes
(OCRS). En termes événementiels, cinq dates balisent, aux XIXe et XXe
siècles, l’histoire politique du Sahara central ....