petite histoire fantastique de jean luc Gironde
L’homme entra dans la ville sur les coups de minuit avec les
premiers flocons. Il était arrivé par le petit chemin tout borduré de caillasses
arrachées à la montagne. Il se souvint que la dernière fois, le sentier se
faufilait à travers un labyrinthe de genêts. Ce devait être un mois de mai. Il
suivit la rivière jusqu’au Creux-de-l’Enfer où des bulles multicolores
s’envolaient dans le fracas argenté de la cascade. Devant lui, de grands
bâtiments jetaient leur ombre fantomatique sur les pieds de la colline. Il
faisait froid dans cet espace perdu mais il y avait quelque chose
d’inaccessiblement beau au milieu de ces squelettes de pierre aux yeux crevés,
jonchés de meules de grès vermoulues. Il s’assit près du petit pont et laissa
son regard se noyer dans les calmes de l’eau que la gorge de la chute avalait.
Il vit le trou béant et l’idée que cette bouche d’écume pouvait le prendre
plissa ses yeux fatigués. Au fond, il était revenu pour cette ultime étape,
marchant des jours et des nuits à contre-sens des autos qui le frôlaient. Un pas
sur le côté aurait suffit. Mais il avait décidé d’aller jusqu’au bout. Et ce
retour dans la ville (...)